Un Peu d'Histoire

Remontons dans le temps pour découvrir l'histoire du Donjon

Les textes et les dessins sont tirés du livre "Le Passé aux Basses-Marches du Bourbonnais" de Jacques Lagardette, aux Éditions des Cahiers bourbonnais 1965. Avec l'aimable autorisation des familles du Boulet de La Boissière, Lagardette, et Lamy.

Le Donjon est le centre géographique de la région.

Grâce à divers documents : un plan ancien, une lithographie du XVIIIe siècle, des descriptions écrites et verbales, il a été possible de reconstituer la physionomie qui devait être celle de cette agglomération avant le XIXe siècle.

On arrivait alors de Lubié (Lapalisse) au Donjon par une route difficile qui s'étirait, presqu'en ligne droite, tantôt cachée par la forte végétation des vallées, tantôt à tous vents sur les plateaux. Ce "grand chemin tendant de Lapalisse au Donjon" passait près de la Tour Pourçain, franchissait les "gouttes Barres", montait au Fétré, traversait la vallée de la Lodde au milieu de rochers à fleur de sol, puis remontait rapidement à travers les bruyères jusqu'à Melleray, haut-lieu d'où le voyageur découvrait le vaste plateau que borde la Loire en un grand arc de cercle. Au-delà, dans le bleu des lointains, il devinait les formes massives des monts du Lyonnais, du Brionnais et du Morvan. En contournant l'importante butte féodale de Melleray, "la Garenne des Plantais", sur laquelle s'élève une chapelle, le chemin passait près d'une belle croix de pierre "fleurdelisée" du XIIe siècle, puis commençait une rapide descente, laissant à gauche, dans une profonde vallée, sur un éperon, la volumineuse tour de la Boutresse, reste probable d'une construction moyenâgeuse. Au XIXe siècle, en bordure de cette route, fut élevé un moulin à vent dont la tour ronde existe toujours.

Après Fondieau en approchant du Donjon, on constatait que cette agglomération, construite à cheval sur la rivière la Lodde, couvrait deux petites collines, se faisant vis-à-vis et portant chacune un édifice religieux : celle du Nord, l'église Saint Maurice, près de laquelle on distinguait encore les ruines du château féodal, qui peut-être fit appeler ce bourg Le Donjon. Celle du Sud, la chapelle gothique d'un monastère.

Le chemin arrivait, par une forte descente, sur une petite place, dite "des Trois Maures", où se trouvait l'hostellerie, alors très fréquentée, du "Cheval-Blanc".

Une légende dit que Saint-Louis, en Terre Sainte, avait guéri par ses prières la fille d'une favorite d'un puissant émir ; qu'un descendant de cet émir : Soliman, ayant eu connaissance de ce fait, s'était embarqué, avec deux de ses frères, pour aller saluer, en France, le successeur de Saint-Louis, alors Robert de Clermont, devenu par son mariage Duc de Bourbonnais ; mais que, arrivant à Bourbon l'Archambault, ils devinrent subitement aveugles, qu'ils ne recouvrèrent la vue qu'après s'être convertis et avoir reçu le baptême. Qu'ils prirent ensuite l'habit de capucin, ne voulant plus retourner au pays des païens. La légende s'étend jusqu'à signaler le passage de ces pèlerins au Donjon. Il y eut à Vaumas un hôtel "des Trois Maures".

Par jalousie, une polémique opposa Pierrefitte, siège de l'archiprêté, chef-lieu des Basses-Marches, au Donjon, celui-ci désirant voir se tenir de temps en temps le synode annuel chez lui. Un essai fut fait, mais alors la troupe occupait les meilleurs logements et les curés, obligés de dîner à l'hostellerie du "Cheval-Blanc", se plaignirent que "leurs oreilles aient eu beaucoup à souffrir de propos fort grossiers" et qu'en outre "la présence des soldats attiraient dans la ville un grand nombre de filles de joie". Le synode se tint à nouveau uniquement à Pierrefitte.

De cette place, une rue étroite, la "rue de la Moutonnerie", donnait accès à la place centrale, "place de la Batterie" (peut-être appelée ainsi parce qu'on y battait le tambour pour les annonces municipales). La rivière traversait le bourg à découvert. Seules des passerelles permettaient aux piétons d'en franchir le cours. Les voitures passaient à gué. Un des gués étant situé au coeur même de l'agglomération, sa traversée ne se faisait pas sans peine et sans risques, "le passage était souvent difficile, quelquefois impraticable pour les voitures", lorsque la moindre crue survenait.

Entre 1823 et 1830, un pont suspendu ayant été jeté sur la Loire en face de Digoin, la commune du Donjon, voyant le trafic s'accroître sur la route n°4, dite "de Gannat à Digoin", projeta et fit construire sur la Lodde "deux ponceaux de quatre mètres d'envergure et aménager un quai de 36 mètres de long". Mais ce ne fut qu'en 1860 que la rivière fut complètement recouverte.

La place de la Batterie étant fort étroite, étranglée entre une rangée de maisons montant vers le monastère et le jardin entourant la maison Préveraud de la Boutresse. Une grande croix qui "existait depuis des siècles", primitivement en bois, puis remplacée par une "croix de fer, érigée sur un socle en pierre", la dominait. Cette croix fut enlevée en 1848, "parce qu'elle gênait" et remplacée par une pompe, ce qui provoqua de nombreuses et violentes protestations.

Au Sud du village s'élevaient les importantes et belles constructions du monastère des Cordeliers. Au XVe siècle, l'Ordre des Cordeliers, "n'ayant jamais assez de couvents pour tant de personnes qui s'y voulaient rendre religieux", un Père Charelon, religieux de cet Ordre, natif du Donjon, y avait choisi, pour faire édifier un monastère, un emplacement considéré "comme un lieu fort propre aux muses", "au meilleur air du village" ; là se trouvaient "une petite pièce de terre et un pré, situés hors et au plus haut du bourg", "et qui appartenaient à deux filles, soeurs, d'assez infime condition, nommées Guicharde et Marguerite de Marcellanges". Le père Charelon obtint leur terrain et entreprit les démarches auprès du seigneur du Donjon : Philippe de Lystenay, de la Maison de Vienne, pour faire affranchir lesdites parcelles de terre.

Au Sud de cette place se dressait un pilori : plate-forme surmontée d'un poteau avec un carcan qu'on passait au cou de ceuix qui étaient condamnés à être exposés "pour subir les manifestations de l'indignation publique".

Le long du quai, peu élèvé, se voyaient, autrefois, des maisons "à croisillons de bois avec pignons sur rue et solives s'avançant en encorbellement" et quelques demeures importantes où les familles des campagnes voisines venaient passer quelques mois d'hiver, regroupant ainsi au village une société dont le rapprochement permettait une vie moins austère. Les "dames", surtout, qui avaient grand plaisir à se réunir, travaillaient à quelque broderie ou tapisserie tout en parlant des absents. Ces immeubles servaient en tout temps, car les dimanches on y dételait en venant assister aux cérémonies religieuses ou faire les provisions de la semaine.

Les formalités auprès du Saint-Siège accomplies, l'édification des bâtiments, "sur le même modèle de celui de Montluçon", fut entreprise.

En 1453, la chapelle était "sacrée", sous le vocable de Saint-François et le couvent "complètement parachevé en 1455, ainsi que la maison des hôtes". Ce couvent fut construit "assez vaste te de belle allure", en bordure des paroisses d'Huillaux et de Melleray et un étang aménagé sur le Salièvre, en amont. L'étang fut asséché vers 1794, la chaussée devint promenade publique.

(Les Cordeliers, ou Franciscains, étaient des "frères mineurs", parce que, par humilité, ils se regardaient comme inférieurs aux autres Ordres, et "Ordre mendiant", car leur règle les condamnait à la plus entière pauvreté. Ils étaient aussi appelés Cordeliers parce qu'ils portaient la ceinture de corde, la corde à trois noeuds. Ils étaient les grands rivaux des Dominicains. En 1789, ils possaidaient 284 couvents.)

Au XVIe siècle le monastère fut prospère, il eut même "un noviciat pour l'instruction aux bonnes lettres des jeunes frères". Mais en 1619, on a pu écrire : "A présent, il est bien décheu de cette splendeur, car c'est l'un des pauvres couvents de cette paroisse où il n'y a, le plus souvent, que quatre religieux qui ont encore peine d'y vivre et préserver leurs bâtiments de tomber en ruine". Aussi servit-il de lieu de retraite à ceux que l'on voulait mettre en disgrâce : un simple profés, non prêtre, y fut longtemps enfermé, par ordre du Roi, "pour son libertinage". En 1723, un sieur Hérault, prêtre, est conduit, de force, au couvent des Cordeliers.

Une lutte d'influence, continuelle et souvent virulente, opposait les Cordeliers aux divers curés du Donjon. Des incidents nombreux se produisaient ; aussi dès 1752 Philibert Pinot, curé du Donjon, et les curés du voisinage demandaient la suppression des Cordeliers, vu leur inutilité.

La chapelle du couvent, construite entre celui-ci et la maison réservée aux hôtes, était d'une très grande simplicité, la forme en était rectangulaire, la charpente apparente à l'intérieur, le chevet élevé et droit percé d'une élégante baie à meneaux. Quatre baies, du même style gothique, ouvraient sur chaque mur latéral. On la disait "petite, mais belle et qui sent la dévotion". Il y avait trois chapelles attenantes : deux au Nord, une au Sud. A l'angle Sud-Est était élevée "une tour ronde, très effilée, qui sert d'horloge à la ville". On accédait à l'intérieur de cette tour par un escalier qui la reliait aux combles du grand bâtiment du couvent.

A la Révolution, , les ordres religieux étant supprimés, le monastère des Cordeliers fut vendu au Directoire du district, mais sur la demande des habitants, la chapelle conventuelle malgré son mauvais état (en 1784 déjà, il s'avérait indispensable de la faire recarreler et de refaire les lambris), fut promue église paroissiale, pour remplacer l'église Saint-Maurice, qui venait d'être démolie. Les bâtiments du couvent spolié donnèrent peu à peu asile à la mairie, à la justice de paix, à la gendarmerie et à la prison. Puis, en 1809, à la cure dans la partie joignant la chapelle, qui ne fut démolie qu'en 1868 ; l'église actuelle, dédiée à l'Immaculée Conception, venait d'être construite.

Après la révolution furent également vendus à Huillaux la maison presbytérale, l'église, le cimetière, le jardin et une vigne, un pré et des terres, provenant des Cordeliers du Donjon.

Des constructions, également massives, faisaient pendant aux bâtiments du monastère. Ces bâtiments étaient occupés, au début du XIXe siècle, par les familles Gouttenoire et Hector Préveraud. C'est dans cette dernière maison qu'un matin de septembre 1793 on trouva, la tête écrasée sous une armoire, le corps de la femme de Conny de Valvron, née Préveraud. Ses assassins, découverts, furent exécutés pour que "l'exemple soit frappant", sur la place de la Batterie du Donjon, le 28 avril 1794. Deux autres complices subirent le même sort, le 4 août de la même année.

Plus tard, ces constructions furent converties en écoles où enseignèrent "les frères du Saint-Viateur" jusqu'à leur expulsion en 1848 ; puis ils reprirent leur enseignement en 1850. En 1854, des religieuses enseignantes et infirmières s'installèrent à la place des écuries de la maison Gouttenoire où, par suite "de l'acquisition qu'en firent les paroissiens du Donjon", un hôpital fut aménagé, après un agrandissement.

Au Nord de ces constructions s'élève une petite tour carrée bordant une minuscule cour pavée.

Les plaus anciennes maisons étaient construites au pied de l'importante motte du "vieux château bourguignon", autour d'une petite place rectangulaire qui servait de champ de foire ; champ de foire très réduit, puisqu'il n'occupait que le terrain qui entourait les vastes halles couvertes, dont les murs en moellons épais et bas étaient coiffés par une vaste toiture.

Une porte, au Sud, permettait d'en sortir en direction de l'étroite "rue des Halles". Un fossé, à demi évasé, longeait ce lourd bâtiment et de simples "planches volantes, jetées sur le bourbier", permettaient le passage vers la rue. En 1748, par suite d'un don du Chevalier Messire Antoine Dubois de la Rochette, "de l'Ordre de Jérusalem", la première pierre d'un pont (dont on a retrouvé les fondations), fut posée et, depuis lors, les processions descendant de l'église Saint-Maurice vers la place de la Batterie, "croix, dais et bannières en tête", avec les statues de Saint Roch ou de la Vierge, ou même le Saint Sacrement, purent passer facilement, en évitant "les incidents qui nuisaient fort à la dignité des cérémonies". La Saint-Roch était fêtée depuis 1656.

Ces halles ayant appartenu à la Caisse d'amortissement, avaient été acquises par la municipalité du Donjon. Elles furent supprimées en 1868 "parce qu'elles gênaient pour les foires" et parce que, disait-on, "elles ne servent habituellement qu'au dépôt des voitures et au battage du blé".

Sur la butte "entourée de fossés presqu'à sec", dominant le bourg, s'élevaient les ruines du château féodal. Château dont la tradition même n'a conservé aucun souvenir et qui était "déjà abandonné en 1569", note Nicolas de Nicolay. Si, en 1628, une partie de ce qui restait de ses murailles était tombée, en 1644, ses ruines représentaient encore "une enceinte défensive respectable". Vingt-deux ans plus tard, ses matériaux servirent à la construction du couvent des Urbanistes.

Comment cette forteresse a-t-elle disparu ? Au cours d'une bataille ? Pillée par les vagabonds des "Grandes Compagnies" ? Par de vulgaires brigands, vivant de rapines ou simplement, et selon toute apparence, abandonnée au cours du second quart du XVIe siècle ?

On signalait qu'en Bourbonnais, des hordes creusaient d'immenses fosses pour y allumer de grands feux, nuit et jour. On les appelait "l'enfer". Devant des récalcitrants, le chef de bande commandait : "Menez-les en enfer". Par la crainte du supplice, les paysans abandonnaient tous leurs biens, Près du Donjon est un lieu-dit appelé "l'Enfer". Est-ce un simple hasard ?

Une lithographie de la seconde moitié du XVIIIe siècle montre qu'au Nord-Est de l'église subsistait, alors, une tour, imposante par sa hauteur, ressemblant à une tour de guet. Cette tour désigne l'emplacement exact du château qui, situé "à la limite du duché de Bourbon", devait être important. En cas d'alerte, son enceinte dut souvent servir de refuge aux populations environnantes et à leur bétail. Un chroniqueur du XVe siècle écrit que cela se produisait si fréquemment que non seulement le vilain et le serf, travaillant dans le "plat pays", se précipitaient vers l'enceinte au moindre avertissement de la trompette du guetteur, mais que même les "boeufs et les chevaux de labour, une fois détachés de la charrue, quand ils entendaient le signal, instruits par une longue habitude, regagnaient au galop, affolés, le refuge. Brebis et porcs avaient pris la même habitude".

L'emplacement des remparts avancés, bordant les fossés, montre que la motte, à peu près carrée, avait plus de 120 mètres de diamètre. Les murailles laissaient donc devant le manoir un grand espace libre, une vaste "lice", périlleuse à franchir pour les assaillants sous la pluie de flèches, entre "la chemise" et le "donjon". Une des tours d'angle, celle du Sud-Ouest, "la tour du Puits", était située à 90 mètres de l'emplacement de la porte d'entrée principale, qui s'ouvrait sur le chemin de Monétay et près de laquelle était construite la prison. Une parcelle de terrain était encore appelée, en l'an X, "pré de la prison". Une autre porte débouchait au bas de la butte, près des halles.

Il est possible de dire, en examinant la "tour du Puits", qui subsista jusqu'en 1923, que les remparts, au moins, ne durent être construits qu'au XIVe siècle. En effet, la forme des "archères" montre qu'elles furent destinées à recevoir le long canon primitif, "la couleuvrine" du XIVe siècle.

Le Bourbonnais, au cours des XIIIe, XIVe et commencement du XVe siècle, était parvenu à son apogée. Le Donjon ressentait les bienfaits de cette prospérité. Il était alors considéré comme important : "Les paroisses voisines avaient ordre de venir veiller et guetter à la sécurité dudit lieu." (1364). Cet ordre fut renouvelé en 1375, puis confirmé par Charles VIII en 1487 et par lettre du 10 février 1516 par Anne de France, "Duchesse du Bourbonnais et d'Auvergne, Comtesse de Clermont, de Forez, de Charollais, en faveur de François de Viene, Chevalier de Lystenet, Baron du Donjon". Mais la note des archives communales qui donne ces indications ajoute : "Laquelle activité et spelndeur cessèrent à cette époque par la ruine presque entière de la ville du Donjon et pays circonvoisins".

L'église seigneuriale du XIe siècle permet de supposer que sur cette très vaste motte exista antérieurement un primitif manoir. Cette église, dédiée à Saint Maurice, devint la première église"parrochiale" du Donjon. Elle avait 90 pieds de long sur 40 de large. Sa nef basse était couverte de tuiles creuses. Ses fenêtres, peu nombreuses, étroites et basses, à plein cintre, et la forme de ses contreforts "se terminant par une retraite en larmier" permettent de la dater de l'époque romane du XIe siècle.

Un clocher carré, à toit pointu, la dominait ; "il était surmonté d'une grande croix de fer et d'un coq en cuivre qui servait de girouette" datant de 1626. Il exista d'abord deux chapelles : l'une dédiée aux saints André et Nicolas, l'autre en l'honneur des Saints Innocents. Mais au commencement du XVIIIe siècle, un des curés en fit bâtir une troisième, dédiée à la Vierge Marie. Les saints patrons des deux anciennes furent alors Saint Crépin (patron des tanneurs) et Saint Roch. Depuis 1664, un ballet protégeait la grande porte de l'Ouest et un autre une petite entrée au Sud.

A l'intérieur se dressait un jubé, remplacé plus tard par une tribune. Un plan de la fin du XVIIIe siècle montre que le chevet de l'église avait la forme dite en "cul de four". Au Nord de cet édifice s'étendait un petit cimetière "entouré de palis".

Cette église eut beaucoup à souffir des guerres de Religion et, en 1606, on put dire : "l'église et la cure sont en fort mauvais état et ont dû être réédifiées. De l'église, depuis les fondations, il ne resta que le choeur de l'ancien monument et la chapelle Saint-Crépin".

En 1793, elle fut vendue comme bien national et démolie "pour construire des logements à bon marché". Des deux édifices, château et église, il ne reste rien.

Au Nord de l'église et du cimetière, un petit bâtiment, d'une seule pièce, à croisillons de bois, fut donné en 1635 au curé par Antoine Poncet et sa femme, "à charge de dire, à leur intention, un salve Regina tous les dimanches". Un logis attenant fut acheté ensuite et le tout, restauré en 1785, servait de vicairie. Cette petite maison existe encore.

La cure, bâtie près du chevet de l'église, dominait le Donjon ; elle subit, au cours du temps, de nombreuses restaurations et fut parfois sauvée de justesse d'un complet délabrement. Elle fut même déplacée car, pendant un certain temps , elle fut accolée à la chapelle, côté sud de l'église. En 1774, un nommé Marion, possesseur d'un jardin en contrebas, le long du chemin conduisant à la "locaterie du Plessis", y fit construire pour servir de grenier à sel un bâtiment couvert d'une toiture élevée "afin de masquer la cure et lui enlever le jour et la vue". La cure fut alors construite en retrait et, depuis, souvent remaniée. Un petit bâtiment servait d'écurie, de remise et de grange pour la dîme.

En 1626, le curé Charnay obtenait de Jean de Saulx, Vicomte de Tavannes, Baron du Donjon, "sans autre condition que celle de prier Dieu pour le seigneur et pour tous ceux de sa maison", la jouissance d'un terrain situé "entre les deux fossés, du côté de bise, vers le portail, qui se trouvait près du chemin allant de Monétay au Donjon" ; il fit planter une oeuvre de "vigne noire" et sur le terrain longeant les fossés à l'Ouest, une autre vigne ; le reste de l'enclos fut converti en verger. Dans les fossés, des pêcheries, pour la conservation du poisson, furent aménagées.

En 1654, le Comte de Rispe étant venu prendre possession de sa baronnie, confirmait au curé la jouissance de ces biens "jusqu'aux murailles devers bise et couchant, depuis la muraille du portail jusqu'au fossé", "tant dehors que dedans la motte".

En revenant au centre du bourg, parallèlement à la rivière, la grande rue principale, bien peu large, "la rue du Miroir" ou "rue du Milieu", était bordée de hautes maisons aux toits aigus qui y maintenaient, et y maintiennent toujours, une ombre permanente. Lorsque la Lodde débordait, cette artère était transformée en canal vénitien.

Vers l'Ouest s'ouvrait une petite place triangulaire, la "place du Jeu de Quilles" ou "Place Jacquelot". Se dirigeant vers le Nord partait une ruelle ne permettant le passage qu'à un seul véhicule, entre de grosses maisons, dont l'une était l'hôtel Saint-Nicolas, qui arborait une enseigne peinte de ce saint. Le chemin de Monétay traversait ensuite un lieu fort marécageux à l'emplacement des fossés de l'ancien château ; c'était le "mauvais pas", que bordait l'ancienne vaste enceinte.

De cette petite place partait aussi la "rue Haute", bordée d'importantes demeures. Puis la route, assez récemment établie, montait vers le cimetière de Saint-Hilaire et continuait vers l'archiprêtré de Pierrefitte. En septembre 1763 avait été érigée et bénie une croix de pierre à l'extrémité de cette rue.

Au Sud, le long de la rivière, une autre voie étroite, la "rue du Moulin" ou "rue de la Maillerie", conduisait, à travers quelques masures éparses, à une "maillerie" dite de "l'Abisme". Là, on travaillait le chanvre, on fabriquait des draps d'hôpital, on y cardait aussi la laine. Il y eut deux moulins qu'une inondation emporta en 1652. Ils furent remplacés par celui de l'Epine, ancien moulin seigneurial des Barons du Donjon, qui appartenait depuis 1737 à Clément Conny de Monsaulnin du Montal.

En 1637 - 1638, Gaspard de Saulx-Tavannes, Marquis de Miaber, alors Baron du Donjon, avait fait venir en ce village quelques religieuses qui habitèrent provisoirement "dnas la maison d'Honorable Robert Gay, rue Haute". Le 2 décembre 1639, les nouvelles religieuses s'installaient en deux autres maisons transformées en couvent, "en attendant la commodité de faire fermer de muraille une partie des bâtiments". Peut-être était-ce sur la petite place des Halles où une grosse maison, au-dessus de son entrée principale, porte encore une inscription à demi effacée "à Notre-Dame", ainsi qu'une niche creusée dans la pierre rouge de Liernolles, contenant une statue de la Vierge ? Enfin, un couvent fut construit pour elles au milieu du XVIIe siècle avec des matériaux puisés dans les ruines du vieux château.

En 1693, le curé du Donjon, Jacquemot, écrit : "Il y a des dames Urbanistes, au nombre de treize à quatorze, assez commodes, de bonne odeur". Ces religieuses, Urbanistes, suivaient la règle des Clarisses, mitigée vers 1260 par le Pape Urbain IV, d'où leur nom.

Mais ce couvent "de filles" perdit de son importance au moment où il passa dans les mains des Carmélites de Moulins, en 1780. A la Révolution, il fut supprimé. Tout ce qui appartenait à ces religieuses, au Donjon, ainsi que leurs domaines des Gâteliers, fut vendu comme bien national. Elles avaient possédé, sur Bert, le domaine des Rebourgeons, mais elles l'avaient cédé au XVIIIe siècle aux Carmélites de Moulins. Les bâtiments du couvent étaient alors en très mauvais état.

Suivant les quais, on entrait dans la "rue Basse" où se trouvaient de grosses maisons avec des jardins, ainsi que des tanneries du côté du Midi. Dans cette rue se voit encore une importante habitation avec une tour d'escalier à vis ; elle appartenait à la famille Gallay.

Vers l'Est, la route franchissait la Lodde à gué, se dirigeant sur Digoin. Une croix était élevée au croisement d'un petit chemin, qui s'amorçait là, pour conduire au moulin de l'Epine, qu'un grand étang alimentait encore au début du XVIIIe siècle.

Au Sud-Est du Donjon coule un petit ruisseau, le Salièvre (saut de lièvre), qui s'épara, jusqu'à la Révolution, Le Donjon de la paroisse d'Huillaux. La Guillotière et la Tireuse, Contresol, les Prats, étaient de cette paroisse. Son église, souvent mal entretenue, avait deux chapelles, l'une dédiée à sainte Radegonde, du côté de l'épître, l'autre, moins ancienne, dédiée à saint Philippe.

L'agglomération était faible, mais on y voyait une maison importante, celle de la famille Pélassy, famille également "possessionnée" à la Tour, à l'Ouille et aux Fayettes. La prieure de Marcigny percevait des dîmes du prieuré et de la seigneurie d'Huillaux.

Le dernier curé de cette paroisse fut Xavier Laurent qui, en 1789, "envoyé à Paris pour siéger aux Etats Généraux du Royaume", y prononça, le 14 avril, un discours "que l'on jugea digne d'être imprimé". "Sacré évêque constitutionnel le 13 février 1791 en la cathédrale de Moulins, il y officia, avec un bonnet rouge et une pique, il accompagna Fouché, en 1793, dans des processions sacrilèges", finalement, en brumaire an II, il jeta le froc en "déposant sur le bureau du Comité de Surveillance du Département les hochets de l'orgueil sacerdotal et les éléments du fanatisme" et se maria. Retiré d'abord à Yzeure, Xavier Laurent mourut, misérable, à Clermont, le 10 mai 1821.

En allant vers Huillaux, le chemin côtoyait une motte, toujours visible à Costière. Un aveu rendu en 1457 mentionne "l'héritage de Cocheterre, où il y a une maison choffoëre, grange, vacherie et four et le pourcaingt autour".

En 1606, il est question de l'église Melleray comme église paroissiale. "L'église du Donjon", est-il dit, "n'est que succursale de celle de Melleray, qui est l'église paroissiale". En 1766, il est encore écrit : "Il n'était pas possible de décider si la mère cure était Le Donjon ou Melleray, seulement Le Donjon était en possession immémoriale de loger le curé et on ne pouvait avoir la preuve qu'il y ait jamais au de logement pour le curé à Melleray". Melleray fut longtemps desservi par les Cordeliers, au milieu du XVIIe siècle notamment. Sa petite église, "pauvre et humide", maintenant chapelle particulière, était dédiée à Saint Martin.

Les paroisses d'Huillaux, de Melleray, et du Donjon ne furent réunies qu'en septembre 1791.

Près du Donjon et dominant toute la région, est édifiée la chapelle de Saint-Hilaire.

Il est dit que le premier sanctuaire du Donjon était cette chapelle. Au XIVe siècle, en effet, c'est sous le nom de "Sanctus Hilarius" que ce village était désigné dans un pouillé du diocèse d'Autun. Dans un autre document de la même époque, on apprend que Le Donjon, alors très peu important, a pour église paroissiale la chapelle de Saint-Hilaire, de l'archiprêtré de Pierrefitte. Cette chapelle est, en tout cas, fort ancienne. Mais si le choeur et l'avant-choeur, couverts de tuiles creuses et bordés d'une corniche à gorges en pierres de taille, peuvent être datés du XIe siècle, la nef, couverte d'un toit très aigu, qui lui donne beaucoup d'élégance, est du XVe siècle. En 1690, la chapelle est en "ruine et interdite". En 1771, elle est recouverte à taille ouverte aux frais du curé du Donjon.

Chaque année, le 13 janvier, se tenait au Donjon une foire dite de Saint-Hilaire. Comme jadis, le lundi de Pentecôte, des fidèles s'assemblent autour des tombes et se font lire, à l'intention de leurs défunts, l'évangile de ce jour (Saint-Jean, III, 16) : "Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle". En 1788, le cimetière de Saint-Hilaire ayant été agrandi, on y transféra celui qui bordait, au Donjon, l'église Saint-Maurice.

Les édifices religieux étaient nombreux avant la Révolution. Immédiatement autour de l'agglomération on pouvait noter, outre l'église Saint-Maurice, la chapelle des Cordeliers et le petit oratoire des Urbanistes ; outre les chapelles encore existantes de Melleray et de Saint-Hilaire, celles d'Huillaux, de la Tour construite en 1600 par Melchior Guillon, la chapelle particulière de Contresol, près de l'ancien château, celle des Plantais (Plantès), où officiait, vers 1651, un des curés du Donjon qui, ayant pris sa retraite, était venu "demeurer aux Plantès, pour enseigner les enfants de M. Préveraud". Elles sont aujourd'hui disparues.

Après les désastres qui ruinèrent Le Donjon au XVIe siècle, ce bourg, qui n'était pas paroisse, ne devait consister qu'en un groupe de pauvres maisons. Il avait dû son développement tout d'abord, à l'établissement du monastère des Cordeliers puis, au XVIIe siècle, à celui des Urbanistes de Sainte-Claire, mais surtout aux industries qui s'y installèrent : maillerie à draps, avec ses dépendances et, au milieu du XVIIIe siècle, tanneries et implantation de plusieurs artisans travaillant le cuir. Il y eut même une fabrique de clous. Des filatures du citoyen Francompret donnaient au Donjon, comme à Montmarault et à Cusset, du travail aux femmes qui en demandaient.

La "maison" de Saulx-Tavanne avait grandement contribué au développement du Donjon.

Un des membres de cette illustre famille, par contre, fut cause de la ruine complète de la baronnie alors bourguignonne de l'Espinasse.

Cette petite cité distante de quelques lieues au Sud-Est du Donjon fut, en effet, totalement anéantie en 1590 et "jamais reconstruite". C'est un évènement tout à fait caractéristique des moeurs du temps.

L'Espinasse était alors qualifiée de "considérable". Cette petite ville avait, en effet, pu résister en 1361 aux Anglais et 1441 aux "écorcheurs", "forts de 4000 chevaux".

(Il est curieux de noter que la paroisse de l'Espinasse, ainsi que celle de Saint-Forgeux et celle de Saint-Julien disparue, tout en devenant une enclave dans le Forez, continuèrent, à la demande expresse de leurs habitants, de dépendre de la puissante juridiction bourguignonne de Semur-en-Brionnais).

Pour ainsi disparaitre, que s'était-il donc passé à l'Espinasse ? Un sieur de Varennes, commandant les troupes catholiques, fut poursuivi, jusqu'à son enceinte fortifiée, par Guillaume de Saulx-Tavanne, lieutenant du Roi en Bourgogne, qui s'était déclaré, en 1589, partisan de Henri IV. Malgré son frère Jean, seigneur du Donjon, qualifié de "forcené ligueur", malgré aussi ce qu'avait été leur grand-père, Gaspard de Saulx-Tavanne, défenseur ardent des catholiques, lors de la Saint-Barthelémy et jusqu'à sa mort. Arrivant donc à la nuit près de la place forte de l'Espinasse, Guillaume de Saulx, ayant allumé un incendie, donna, à la lueur des flammes, l'assaut des remparts. Il pénétra dans la place et y "boutta le feu". Le désastre fut rapide et total ; toutes les maisons qui, alors, "étaient couvertes de paille" furent détruites. Il ne subsista que le donjon, toujours debout, et une chapelle disparue depuis lors qui était, dit-on, le tombeau de Saint-Rigaud, fondateur de l'abbaye de Saint-Rigaud, près de Charlieu.

Le donjon de l'Espinasse est une superbe tour, presque carrée, aux angles arrondis, qui s'élève, isolée, sur une des ondulations d'un pré où s'inscrivent encore l'emplacement et la forme de l'ancienne cité que bordait la Tessonne. Les particularités de cette tour, avec sa porte d'accès surélevée, avec l'absence de cloisons voûtées à l'intérieur permettent de la dater du XIe siècle. Comme au fameux château de Gisors, on peut voir à l'intérieur et à la base des murs des conduits carrés où durent être noyées des poutres en bois. C'était de la maçonnerie armée, qui empêchait la déformation des assises.

Il reste de ce temps cruel une légende qui évoque "la nuit de l'Espinasse" et dit que ce bourg fut entièrement "englouti au fond des enfers, dans un bruit effroyable, entrainant avec lui le Baron maudit du lieu". C'est un Huguenot qui parle ! On dit aussi "que pendant les longues et froides nuits d'hiver, on entend souvent, autour de l'ancien donjon, des bruits confus de chars qui roulent, des cloches qui sonnent, d'enfants qui pleurent" ; que les voyageurs attardés voient sur les bords humides de la Tessonne "une femme en long voile blanc qui gémit tristement en regardant couler l'eau du torrent" ; que "c'est l'ombre de la ville de l'Espinasse qui, sur ses ruines, pleure sa plendeur passée".

Si les relations du Donjon avec Paris étaient assez peu fréquentes, la liaison avec Lyon était assurée par un courrier. A Châteauneuf-en-Brionnais, sur son parcours, une importante auberge-relais subsiste, qui dut avoir à héberger bien des Donjonnais. C'est "l'auberge de la Croix-Blanche".

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